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LOST PROJECTS: Le “Spider-Man” de James Cameron

L'histoire d'un film que vous ne verrez jamais

Dans la grande histoire d’Hollywood, l’échec ou la réussite des projets les plus ambitieux se résument parfois à une seule petite chose: le karma. Ou comment un succès assuré peut se muer en colossale déconvenue avant même d’avoir encaissé le moindre tour de manivelle. Pour inaugurer ce premier numéro de Lost Projects, L’Univers des Comics vous propose de plonger au cœur d’une des plus grandes frustrations du fanboy 90’s: le Spider-Man de James Cameron.

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Voulant surfer sur la vague du succès de Batman (Tim Burton, 1989) et concurrencer Warner Bros. sur sa très probable suite, le studio Carolco Pictures rachète en 1990 les droits de Spider-Man au producteur Menahem Golan (Cobra, Bloodsport, Delta Force) pour 5 millions de dollars. Loin d’être échaudé par les échecs cuisants des précédentes adaptations Marvel (Fantastic 4, Captain America), les producteurs mettent le film immédiatement en chantier. Désireux de travailler avec Golan sur le projet, Carolco lui laisse carte blanche pour dénicher un réalisateur à même de prendre le film en main. Fort de ses excellentes relations avec James Cameron, réalisateur alors en pleine bourre après les succès publics et critiques d’Aliens et Terminator 2, Golan obtient l’accord de ce dernier. En 1991, tous les feux sont au vert… et les ennuis peuvent commencer.

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Logo de Carolco Pictures

Peu de temps après le lancement officiel du projet,  le magazine Variety  annonce que Carolco aurait déja reçu un script complet de la part de Cameron. Quasi identique à la version que Golan avait soumis sans succès à Columbia un an plus tôt, le scénario porte alors la mention “A script by James Cameron and Joseph Goldmari”, Goldmari étant le nom de plume commun de Golan et de Joseph Calamari,  le pdg Marvel de l’époque. Cette astuce du producteur un peu grossière, visait à officialiser la chose auprès de potentiels investisseurs résume assez bien les méthodes peu archaïques de Golan.

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Menahem Golan

Ce producteur “du crû” responsable d’un nombre hallucinant de nanards depuis les années 1960 va se démener comme un forcené pour rendre le projet possible, allant même jusqu’à utiliser un ancien modèle de contrat de Terminator 2 pour faire signer Cameron (!) Etant trop heureux de se lancer dans un tel projet directement après T2, Cameron espère avoir un budget équivalent (100 millions de dollars) pour donner vie à sa vision du tisseur. Malheureusement les décideurs de Carolco ne l’entendent pas de cette oreille et ne lui accorde “que” 50 millions,  ce qui constitue pour lui un gros pas en arrière. Premier coup dur.

A l’annonce du projet, bon nombre de rumeurs circulent sur le casting du film. La plus persistante d’entre elles fait état du choix d’Arnold Schwarzenegger pour incarner le Dr Octopus. Sans suite. Quelques années plus tard, ce dernier a confirmé avoir été sollicité en précisant que le studio avait finalement décidé de “prendre une autre direction”. Son rôle pour le moins discutable de Mr Freeze dans l’inénarrable Batman & Robin, prouve toutefois l’envie de Schwarzy d’en découdre à l’époque avec nos amis en collants. Nul doute que sous la houlette de Cameron, le géant autrichien aurait un peu mieux préserver sa dignité (et sa carrière).

C’est seulement quelques mois plus tard que Cameron soumet au studio un script de 47 pages de son futur Spider-Man . Il ne le sait pas encore mais ce dernier deviendra une relique légendaire à Hollywood au même titre que les rushes du Don Quichotte de Terry Gilliam ou les storyboards de Dune d’Alejandro Jodorowsky.

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Le script original

Cette nouvelle version du scénario, comprenant dialogues et narration, revient donc sur les origines de l’homme araignée et introduit deux supervilains : Electro et Sandman. Détail intéressant, Cameron s’amuse à prendre quelques libertés avec les personnages principaux par rapport au matériau d’origine. Electro (Max Dillion dans les comics) y devient Carlton Stand, un richissime mégalomane, représentation des yuppies et autres capitalistes corrompus des années 80. Quant à Sandman (Flint Markos), il répond désormais au nom de Boyd, un homme impliqué dans un accident subatomique d’un laboratoire de Philadelphie.

Pour le point d’orgue de l’histoire, Cameron voit les choses en grand: il imagine un affrontement dantesque entre les tours du World Trade Center, le tout aboutissant sur la révélation de l’identité de Peter Parker à Mary-Jane. Enfin, pour couronner la rupture évidente avec le comics, le script comprenait également une scène de sexe entre les deux tourteraux au sommet du Brooklyn Bridge!

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Fan Art

Malgré ces changements, le script de Cameron conserve bon nombre d’éléments remaniés issues des versions précédentes. On y retrouve les lanceurs de toiles organiques, un bad guy qui essaye de rallier Spidey à sa cause pour créer une race suprême de mutants, des scènes de tempêtes et de chaos magnétiques, des araignées expérimentales,  la scène de la morsure causant à Peter Parker un cauchemar évoquant La Métamorphose de Franz Kafka, une pluie de dollars tombant sur des new-yorkais médusés ainsi qu’un assaut criminel sur le NYC Stock Exchange de Wall Street. Cette histoire ambitieuse aurait été validée par Stan Lee himself, créateur du personnage et grand gourou de la galaxie Marvel.

Côté casting, les rumeurs de l’époque s’accordaient pour faire de Edward Furlong, alors auréolé du succès de son John Connor dans T2, un Peter Parker idéal. Leonardo Dicaprio, jeune acteur très apprécié de Cameron, était quant à lui pressenti pour incarner Harry Osborne. Les noms de Drew Barymore et de Robyn Lively ont également été évoqué pour les rôles de Gwen Stacey et Mary-Jane Watson. A noter que Dicaprio aurait par la suite été envisagé dans le rôle titre après le succès de Roméo + Juliette.

Mais rien de tout cela n’eut lieu.

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Storyboard, James Cameron

En cause, la tonalité globale de l’ensemble, jugée bien trop sombre par le studio. Au cœur des désaccords,  la relation entre Peter et MJ. En plus de la fameuse scène de sexe, apparenté à un quasi viol dans la mesure où Peter y utilisait ses pulsions d’homme araignée de manière évidente, le script comprenait une scène où ce dernier espionnait la belle à sa fenêtre pendant qu’elle s’habillait.

Ces éléments sulfureux, qui auraient probablement octroyé au film le fameux Rated R, expliquent en partie le rejet des décideurs. En plus de cela, le budget alloué s’est vite retrouvé trop faible au regard de certaines scènes très ambitieuses comme celle du World Trade Center par exemple.

Pourtant, les quelques chanceux ayant eu la chance de se procurer un exemplaire du script s’accordent sur ses qualités intrinsèques. David Koepp a d’ailleurs reconnu s’être inspiré pour sa version de quelques éléments qu’il jugeait excellents, comme le cauchemar de Peter après la morsure, la scène de l’assassinat d’Oncle Ben où les lanceurs de toiles organiques.

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Storyboard, James Cameron

Si le script, le cast et le budget peuvent aujourd’hui être considérés comme des éléments qui ont causé la faillite du film, ce qui l’a littéralement fait couler ce sont avant tout les problèmes de droits après la faillite du studio Carolco. Bien qu’encore dans les cartons, le projet se retrouve aux quatre vents et les problèmes juridiques s’enchaînent.  Initialement prévu pour 1993, Spider-Man se voit repoussé chaque année. Ce qui laissera le temps a James Cameron de réaliser True Lies avec un beau succès à la clé et de prendre la décision (à contre-coeur) d’abandonner l’homme -araignée.

Dans une interview accordée il y a quelques années au magazine Collider, il déclarait:

“Au moment où Carolco à implosé c’est à dire quelques années après avoir acquis les droits de Spider-Man, j’avais déjà pour projet de préparer Titanic. Je n’avais alors plus envie de continuer à m’empêtrer dans cette bataille interminable pour les droits du film. Un nombre incalculable de scénaristes et de producteurs déclaraient à qui voulait l’entendre qu’ils désiraient travailler sur le film. Ils se sont tous désistés après la banqueroute de Marvel en 1996, et tous les accords précédemment engagés se sont envolés.”

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James Cameron, King of the World

Après s’être refait la cerise, la maison des idées a finalement récupéré les droits du film auprès des différents investisseurs pour ensuite les revendre en intégralité à Sony. Il suffira de quelques années au studio japonais et à un nouveau réalisateur, Sam Raimi, pour relancer la machine et faire de Spider-Man le plus gros succès de 2002. James Cameron quant à lui, un peu amer mais soulagé de se voir libéré d’un projet devenu boulet, est parti de son côté réaliser son Titanic, entrant à tout jamais dans l’histoire du septième art.

Le karma on vous dit.

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