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LOST PROJECTS: Le “Watchmen” de Terry Gilliam

L'histoire d'un film que vous ne verrez jamais

Si on vous dit que l’un des plus grands comics de l’histoire aurait pu être adapté par l’un des cinéastes les plus talentueux de notre époque, vous y croyez? Nous non plus ! Pour ce deuxième numéro, LOST PROJECTS revient sur le rendez-vous manqué entre Watchmen et Terry Gilliam.

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Pour les fans de comics de la première heure, c’est peu dire que le Watchmen d’Alan Moore et Dave Gibbons  apparaît comme une œuvre aussi  déterminante que légendaire.

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Véritable catalyseur de changements dans la manière dont les comic books et les récits de super-héros étaient jusque-là perçus par le plus grand nombre, Watchmen déconstruit avec virtuosité le mythe du héros classique imposé par les figures tutélaires de Batman et Superman tout en posant une question fondamentale : que se passerait-il si des gens normaux se mettait à revêtir des costumes de super-héros ?

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En incorporant des notions philosophique (l’existentialisme), scientifiques (l’espace et le temps) à une intrigue hautement politique, l’œuvre d’Alan Moore connu un succès critique et publique d’une ampleur phénoménale au milieu des années 1980.

Et bien évidemment, Hollywood ne résista pas longtemps à la tentation d’adapter la bête.

Tout commence en 1986 quand les producteurs Lawrence Gordon et Joel Siver, acquièrent les droits de Watchmen,  sentant un bon filon pour les années à venir. Après l’énorme succès de Batman (1989), ils mettent le projet en chantier pour le compte d’une 20th Century Fox en mal de nouveaux titres forts depuis la fin de la trilogie Star Wars.

Après avoir essuyé un sévère refus de la part d’Alan Moore, la Fox engage Sam Hamm, le scénariste du film de Tim Burton, pour transformer l’histoire monumentale de Watchmen en un script de taille raisonnable. Conscient de la complexité de l’œuvre ainsi que de ses spécificités qui l’a rende difficilement adaptable et accessible au grand public, le choix des producteurs s’arrête sur le seul réalisateur assez fou et talentueux pour réussir un tel pari : Terry Gilliam.

Entre temps, la Fox refile le bébé à Warner Bros., plus à même de financer le projet à hauteur des espérances de Gordon et Silver. Résultat ? Une enveloppe de 25millions $ allouée pour le film, ce qui constitue une belle somme pour l’époque mais à peine le quart de ce qu’il aurait fallu en définitive. Aie.

Qu’importe, Gilliam ne se démonte pas et croit dur comme fer au projet. Fan de la première heure du comic book ,il se met à l’œuvre et lance officiellement la pré-production de Watchmen en 1991. Il déchante malheureusement assez vite à la lecture du script de Sam Hamm.

En effet, le scénario diffère très largement  de l’histoire originale. Exit l’iconique ouverture du journal de Rorschach, la narration appuyée, les divers développements et backgrounds propres à chaque personnages. Bonjour les éléments inutiles (un cancer pour Laurie), et les scènes importantes réduites à peau de chagrin (la mort du Comédien, l’origin story du Dr Manhattan).

Mais c’est surtout avec la fin de l’histoire que Hamm a pris le plus de liberté, et étonnement, c’est le seul point auquel  Gilliam adhère totalement :

« Au lieu du grand machin intergalactique qui était un peu idiot et compliqué à faire comprendre, nous avions développé le fait que l’existence de Doc Manhattan avait chamboulé toute la balance économique du monde, ainsi que sa structure politique. […] Et le personnage d’Ozymandias arrivait à convaincre Doc Manhattan de revenir dans le temps pour empêcher sa propre création. Et après un vortex créé par cette modification du passé, les personnages des Watchmen n’étaient plus que des personnages de comics, perdu dans Time Square, déguisés comme les héros d’une bande dessinée qu’un gamin lisait à un kiosque. C’était très malin ». 

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L’ami Terry

Dans une interview à Entertainement Weekly, Hamm reconnu plus tard  avoir été  «en totale admiration de l’architecture narrative du comics » tout en reconnaissant que «  l’adapter fidèlement et en deux heures était résolument impossible ».

Pour relancer un projet qui commence sérieusement à prendre du plomb dans l’aile, Gilliam embauche son ami Charles McKeown,  co-scénariste de Brazil et du Baron Munchausen, pour l’aider à réécrire le script. Leur travail n’a jamais été dévoilé, mais on sait que les deux compères auraient réintégré des éléments importants du récit original tout en conservant la fin alternative.

Coté casting, certaines sources de l’époque nous indique que Joel Silver avaient eu des idées bien précises : Arnold Schwarzenegger en Dr Manhattan,  Kevin Costner en Nite Owl, un Robin Williams post-Fisher King pour Rorschach et Jamie Lee Curtis en Laurie. Plutôt alléchant !

Afin de relancer le développement, Terry Gilliam rencontre Alan Moore pour lui demander son avis sur la meilleure façon d’adapter Watchmen.  Moore,  toujours prompt à dégoupiller, le recadre franchement en lui disant que son œuvre n’a rien de cinématographique et qu’il serait vain d’essayer d’en tirer quelque chose sur pellicule. Pour lui, l’essence même de son récit est justement de démontrer les spécificités de l’art du comics par rapport au cinéma ou la littérature. En somme d’élaborer une œuvre que les autres arts ne pourraient pas reproduire.

L’argument est imparable, et plus que n’importe qu’elle coupe dans le budget ou désistement de casting, il laisse le réalisateur dans une profonde perplexité. Même si l’on sait que les problèmes de développement sont presque monnaie courante quand on s’attarde sur la carrière de Terry Gilliam (coucou Don Quichotte) , nul doute que c’est son intégrité artistique qui aura eu raison du film.

En définitive, Gilliam en arrive à la conclusion que Watchmen ferait une bien meilleure mini-série de 5h plutôt qu’un film de 2h30. Apres une seconde tentative de relancer le projet en 1996, il l’abandonne définitivement pour se consacrer à un autre livre jugé inadaptable : Las Vegas Parano. Rideau.

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Manhattan, oklm

Le projet connaîtra dès lors un development hell  de presque 15 ans, passant au fil du temps entre plusieurs mains plus ou moins expertes,  mais toutes aussi malchanceuses (David Hayter, Darren Aronofsky, Paul Greengrass). C’est sous la houlette de Zack Snyder, fraîchement auréolé du succès de 300, que le film aboutira enfin. A noter que les problèmes de productions du film ne s’arrêtèrent pas là : après le lancement définitif du projet, la 20th Century Fox prétendant détenir encore une partie des droits de l’œuvre obligea Warner Bros. à s’acquitter d’une somme avoisinant les 10 millions de dollars. Vogue la galère !

Quand le film arriva sur les écrans, il reçut un accueil critique assez positif mais fût un échec commercial. Avec le recul, il semble évident que Snyder aurait pu faire preuve d’un peu plus d’audace malgré tout l’amour et le respect de son film pour le matériau original.

Quant à Terry Gilliam, il a (comme toujours) son avis sur la question :

 “Je pense que le film est un peu trop respectueux. Il contient de superbes séquences mais l’impression globale qu’il laisse est celle d’un trop plein, d’une certaine façon. Je pense également que les Indestructibles ont un peu gâché la fraîcheur du propos. Soyons francs: les Indestructibles raconte la même chose que Watchmen .”

Peut-être que le meilleur exemple pour visualiser ce que la version de Terry Gilliam aurait donné serait de combiner l’esthétique de Brazil avec son film le plus récent, Zero Theorem. On aurait pu imaginer une sorte de fresque philosophique pleine de noirceur et de néon 80’s. Difficile toutefois de savoir ce qu’aurait pu donner le style excentrique et jusqu’au boutiste de Gilliam sur le monde rugueux et premier degré de Watchmen :

 “Mon film  aurait été moins beau à voir que celui de Zack. Mais avec un peu plus de couilles quand même.

Si tu le dis Terry, si tu le dis.

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