La recommandation de Timo
Pour ce mois de septembre, je vous propose de vous jeter sur Night Eaters. Ce comics est la nouvelle collaboration entre l’autrice Marjorie Liu et la dessinatrice Sana Takeda, les créatrices du banger qu’est Monstress. En plus, mes partenaires de BDfugue vous offrent un ex-libris si vous l’achetez via ce lien. Cool, non ?
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Il s’agit de la nouvelle la plus polarisante de la journée : la Warner Bros. s’apprête à lancer une nouvelle franchise de films dédiés à l’univers DC hors du DCEU et annonce que son premier film sera une origin story du Prince du Crime, The Red Hood, Jack, The Pale Man AKA… The Joker.
Préparez-vous à petit-déjeuner, dîner et souper du Joker à toutes les sauces dans les mois à venir parce que les studios Warner n’ont pas terminé de traire le personnage. Sur le papier, le projet à de quoi emballer à la fois les cinéphiles et les die hard fans de Mister Jay. Aux manettes, on retrouvera Todd Philips (The Hangover) et Scott Silver (8 Mile) à l’écriture et… Martin Scorsese himself en tant que co-producteur.
Pour arriver à caser cette nouvelle incarnation de l’Homme qui Rit, la Warner souhaite construire un [INTRODUIRE CHIFFRE] univers dérivé de la galaxie Batman. Vous en aviez déjà assez de l’interprétation clownesque de Jared Leto ? Tant mieux, le chanteur de 30 seconds to Mars ne sera pas de la partie. Que ses fans se rassurent, son contrat le lie cependant à Gotham City Sirens et Suicide Squad 2.
Ce stand alone exclusivement dédié au meilleur ennemi de Batman tablera sur une nouvelle esthétique qui le séparera de la tonalité des précédentes productions du DCEU. L’intention des studios est de réaliser un film neo-noir dont l’action se situera dans un Gotham City du début des années 1980. Si Gotham est la réflection bédéesque de New-York, il est judicieux de plonger le récit d’un tel film à cette époque. La criminalité s’étendait à toutes les couches sociales, la drogue était à tous les coins de rues et les gangs saignaient la ville aux quatre veines. Dès lors, qui de plus à mène que Scorsese (Taxi Driver nous vient alors à l’esprit) pour chapeauter le projet ?
Plus de visages qu’Arya Stark, le Joker
Selon moi, le projet est en soi une contradiction, un oxymore. Réaliser une origin story du Joker relève, pour d’aucuns, d’une hérésie pure et simple. Ce qui définit le personnage, c’est qu’il est le Chaos né du chaos, sa condition est d’être une énigme pour Batman et, de facto, pour le lecteur. S’il fallait comparer ce projet à un autre film, je piocherais Rob Zombie’s Halloween qui a fait l’erreur de donner une origine au mal qui tourmente Michael Myers. Résultat ? On passe d’un personnage sans visage, véritable une force de la nature, muette et assassine à un gamin traumatisé à qui deux séances chez le psy auraient réglé l’affaire. Le risque de donner une origine à l’innommable, c’est sonder l’abysse et… trébucher avant qu’elle ne vous ai regardé en retour.
Ne vous méprenez pas, le joker s’est déjà vu attribué un passé à plusieurs reprises. La première évocation date de 1951, nous la devons à Bill Finger, le bras droit de Bob Kane. Cette histoire de treize pages propose au lecteur d’accompagner Batman dans l’élucidation d’un mystère : qui se cache sous le masque de Red Hood ? Officiant comme professeur honoraire à l’université, Bruce Wayne se replonge dans ce dossier vieux de 10 ans. Ayant entendu que Batman avait rouvert l’affaire, le Red Hood revient sur le campus. Le justicier devine l’identité de l’homme au masque: le Joker. Ce dernier avoue qu’il travaillait dans un laboratoire avant de tenter de voler un million de dollars et de prendre sa retraite. Après avoir dévalisé l’entreprise de cartes à jouer Monarch, il s’est enfui en nageant dans une eau contaminée par des déchets chimique. S’éloignant du lieu de son dernier forfait, sa peau, ses lèvres et ses cheveux sont altérés de manière permanente. Désormais, il ressemble à un clown. Dans son esprit tordu, il était logique d’adopter le nom d’une carte à jouer : le Joker.
Il est vrai que cette histoire vieille de 60 ans fut le terreau de différentes origin stories du Joker à venir. Je vous entend déjà arriver avec vos gros sabots, brandissant votre exemplaire de The Killing Joke d’Alan Moore comme preuve légitime que le Joker a un passé (semi-)canonique dans l’Univers DC. Dans un flashback du récit, Jack, un comédien raté, apprend que sa femme est enceinte. Afin de pourvoir à ses besoins, il accepte d’aider deux criminels dans le casse de l’usine dans laquelle il travaillait. Les malfrats précisent à Jack qu’il portera le masque rouge aux parois réfléchissantes de Red Hood, un chef de gang masqué. Ne voulant pas être pris pour le vilain, Jack refuse. Là dessus, un des deux ex-taulards lui répond “Réfléchis mec, il n’y a pas de Red Hood, y’a juste une bande de potes avec un masque. On s’en fiche de qui porte le masque, on le refile juste au membre le plus “important” du groupe.” En d’autres mots, ce n’est pas l’individu qui est important mais la position qu’il occupe sous ce masque réfléchissant et déformant la réalité de celui qui le porte. Le Joker, tout comme Red Hood, n’a pas besoin d’être quelqu’un. Il n’a même pas besoin de son propre visage pour être le Joker. Dans Batman #1 (2011), il ira jusqu’à découper sa face hilare avant de la porter à nouveau comme un masque de carnaval. N’est-ce d’ailleurs pas la seule fête où l’on peut se glisser dans la peau de n’importe qui ?
Si je dois avoir un passé, je préfère avoir le choix ! HA HA HA !
Concernant ses souvenirs, le Joker est explicite et expliquera à un très BDSM Jim Gordon que “le passé simple, ça n’existe pas”. Les souvenirs sont la base de notre raison, refuser d’y faire face, c’est nier la raison elle-même. La dernière personne tenu de garder la raison, c’est bien le Joker. Même cette origin story n’est pas fiable ; la mémoire brumeuse et intoxiquée du Joker l’interdit.
Voilà à présent venir les joueurs d’Arkham City, brandissant leurs manettes. Dans le jeu, le Joker se confesse auprès de Hugo Strange et lui raconte l’histoire narrée dans The Killing Joke. Cependant, le psychiatre et criminel lui coupe la parole et lui annonce qu’il ne le croit pas: il dispose de douze autres histoires du même acabit quant à ses origines. Tout comme dans The Dark Knight Returns, le Joker demeure une interrogation. Une force mue par le chaos.
Je ne m’aventurerai pas sur les révélations que Scott Snyder a apporté ces dernières années, elles sont encore embryonnaires et trop peu définies que pour parler de cette nouvelle emprise qu’a le personnage sur l’auteur. Disons seulement que pour Scott Snyder, le Joker a lui aussi été exposé aux radiations/agents chimiques issus de la même météorite qui a créé les Puits de Lazare tant affectionné par Ra’s Al Ghul. Le Joker serait un être immortel, contaminé bien avant la création de Gotham, et qui respawn pour castagner Batman de temps à autre. Dans un sens, cela est parfaitement cohérent avec la mythologie du personnage. La raison pour laquelle ses souvenirs sont morcelés et son esprit fracturé, ce sont ses bains dans les Puits de Lazare.
Le Joker ne mérite pas UNE origin story. Le personnage doit, comme dans les comics, rester un mystère, un typhon que rien ni personne ne peut arrêter ou résumer par la somme de ses souvenirs.
S’il est un comic-book que je souhaiterais que Scorsese et co. lisent, c’est bien l’excellent “Il faut soigner le soldat Wilson“. Dans ce comics en 4 parties de la Maison des Idées, le mercenaire passe devant une commission pour expliquer son rôle dans le massacre dune ville mexicaine. Il profite alors de cette occasion pour raconter ses débuts. Mais peut-on se fier à la véracité de ses propos ? Le prisme Deadpool est un exemple parfait de l’angle que Warner devrait adopter. A la fin du récit, l’origin story de Deadpool s’avère être un mensonge et la réalité bien plus complexe et dérangée qu’il n’y parait.
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