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REVIEW SANS SPOILER: Happy!, la première saison

Retour sur l'étrange Noël de Mr. Sax.

Ugh. 

C’est la Saint-Valentin et, alors que certains s’apprêtent à faire péter le champagne, les chocolats et leur sommier, moi je vais me replonger dans la magie de Noël le temps d’une review (sans spoiler) de la série qu’il ne fallait pas manquer sur SyFy: Happy!

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Adaptée du roman graphique éponyme de Grant Morrison et Darick Robertson, Happy!  est l’histoire de Nick Sax, un ex-flic pochard reconverti en tueur à gage à l’éthique douteuse et la gâchette facile. Dans les prémisses de la série, Sax se heurte à deux événements majeurs qui scelleront son sort. Engagé par un client anonyme pour un triple homicide on ne peut plus banal pour Nick, ce dernier se retrouve avec une quatrième victime sur les bras. Cet imprévu au menu s’avère être une dépouille-en-devenir plutôt bavarde qui informe Sax qu’il possède certaines informations qui pourraient ébranler la hiérarchie de la pègre new-yorkaise. Saint Nick se retrouve, en un éclair, au coeur d’une cabale impliquant ce que la mafia a de plus scabreux à offrir. Après s’être ramassé un pruneau, doublé d’une crise cardiaque, qui lui vaut un détour par la case ambulance, notre bon Nick semble avoir troqué les éléphants roses pour une licorne bleue nommée Happy. Hallucination plus vraie que nature, Happy somme l’ancien flic de l’aider a retrouver la fille dont il est l’ami imaginaire : seul Nick peut la sauver des griffes d’un Vilain Père Noël tout droit sorti d’un caniveau. Ensemble, Nick et Happy affronteront les yakuzas, des hordes de gangsters cockés jusqu’au nez, des fétichistes en latex adorateurs d’un cafard géant et, sans aucun doute, le tétanos. 

En moins de temps qu’il ne faut pour articuler “Joyeux Noël” avec un gun en travers de la mâchoire, SyFy a éclaboussé  l’intégralité du paysage télévisuel à coup de pintes de pus, gerbes de bile et effusions d’hémoglobine. A peine quelques secondes passées dans l’univers glauque et cynique de Happy! que le spectateur devine sans peine l’origine du point d’exclamation dans le titre de sa nouvelle série préférée. 

S’il est une question que je me pose à l’annonce de l’adaptation d’une oeuvre pré-existante, c’est celle de sa nécessité. Qu’apporterait la mise en image d’un comics, d’un roman graphique ou d’une oeuvre littéraire ? Quelle serait sa plusvalue ? Outre sa mission de rendre avec une certaine fidélité le ton, l’ambiance et la vision de son auteur, une adaptation se doit d’apporter une nouvelle dimension à la source d’origine : celle du medium qui s’en accapare. 

Les premiers épisodes de Happy! sont, il faut l’avouer, une adaptation un peu paresseuse de l’oeuvre magistrale de Morrisson et Robertson. Respectant religieusement la narration, ces 90 premières minutes n’impressionnent pas le lecteur du comics. Cependant, tel une matriochkas de cadeaux de Noël, chaque épisode semble surpasser le précédent. Les montages survoltés habillent avec brio l’oeil de Bryan Taylor et le ballet entre ces scènes de violences et d’investigations rapprochent Happy! de la structure du Jazz. Les séquences se répètent, varient et les improvisations de Nick face aux événements décuplent notre plaisir. Prolongeant le récit original, la série se permet des digressions efficaces.

La bande originale alterne, quant à elle, entre classiques de saison, pop délirante et drum’n’bass survoltante. Propre au cinéma et aux images animées, la musique joue un rôle important dans l’immersion du spectateur. Les showrunners l’ont bien compris et restituent l’ambiance lugubre et sordide de cet étrange Noël que passeront notre tandem. 

Véritable expérience pour les sens, Happy! a pour mission de repousser sans relâche les limites du mauvais goût et de questionner inlassablement le regard du spectateur. Qu’est-il acceptable de montrer ? Jusqu’où sommes nous prêts à regarder ? La série porte, à plus d’une reprise, un oeil critique à la fois sur la portée du regard, les limites du voyeurisme ainsi que sur le consumérisme et ses dérives. S’attaquant à chaque épisode à un cas bien concret, elle taille avec indolence l’entertainment abêtissant pour les enfants et le merchandising qui en découle, le reality show à la Jerry Springer, la télé-réalité, la soif du quart d’heure de gloire de ces parents qui enferment leur fillette dans leur grenier pour attirer l’attention ou encore la corruption qui découle du pouvoir des media. Grant Morrison et sa clique maîtrisent le récit et la narration sur le bout des doigts et nous rappellent à chaque instant qu’Happy! est sans doute l’une des meilleures séries de l’année. 

Plutôt que de nous distraire de l’action, ces apartés -parfois hallucinatoires- sont comme des miroirs aux sombres reflets de notre propre société. Comme l’écrivait Shakespeare, l’enfer est vide et les démons sont déjà parmi nous. 

Côté cast, Christopher Meloni est taillé pour le rôle de Nick Sax et il nous emmène dans un roller-coaster, propulsé à l’adrénaline pure, de drogue, de sexe et de violence. Campant le rôle de cet ex-flic sur les sentiers de la rédemption, le personnage de Meloni n’a rien d’extraordinaire en soi. Nick est juste un flic avec une part d’ombre qui adopte les mauvaises attitudes et se destitue petit à petit de sa place d’époux puis de policier. Il est un Elliot Stabler -son personnage dans New York, unité spéciale– qui n’aurait pas eu la force et la faculté de passer outre les atrocités qu’il a rencontré au fil de sa carrière et qui aurait préférer s’entériner et noyer ses souvenirs à coup de whisky bas de gamme. 

Derrière la licorne se cache l’humoriste Patton Oswalt, artiste ô combien chéri par votre auteur. Nerd, névrosé et comédien de talent, il mène avec Meloni un tandem qui agit comme une soupape aux horreurs que nous réservent la série. Contrairement à Nick, Happy est innocent, toujours gai et ne baisse jamais les bras. Après avoir veillé sur Hailey, il s’est avéré être le partenaire indispensable de Nick : traducteur, vomitif saugrenu et garant de démence, notre petite licorne forme avec Sax un duo (pas si chic) de choc. Dans un monde chaotique et désabusé, où surnaturel et cynisme se mêlent au latex, la sueur et le stupre, notre licorne est là pour rappeler à Nick -et de facto au spectateur- que l’espoir ne meurt jamais. Les deux visions du monde, l’optimiste de Happy et le côté sombre de Nick coexistent car, tel le Yin-Yang Fish, tout n’est qu’une question d’équilibre, de survie… et de cuisson. 

Du coté des alliés de notre duo, Lili Mirojnick (Cloverfield, Friends with Benefits) s’est avérée peu convaincante dans son interprétation du détective Meredith McCarthy, ex partenaire de Nick Sax. A l’inverse, Medina Senghore (Blindspot) est très juste dans le rôle d’Amanda Hansen. Cette mère isolée et indépendante a vu son monde se briser lorsque sa fille Hailey a disparu. Elle s’improvisera détective ayant pour mission de détricoter la cabale entourant la disparition de sa fille. C’est la jeune et talentueuse Bryce Lorenzo (Custody, Orange Is the New Black) qui incarne la courageuse Hailey. 

C’est du côté des bad guys qu’il nous faut tirer notre chapeau. Les interprétations hautes en couleurs des trois vilains furent exceptionnelles et ont apporté un (dés)équilibre qualitatif à la série. Dans le comics, c’est Mr.Blue qui tire les ficelles de l’intrigue et de ses pantins machiavéliques. C’est Ritchie Coster (Batman Begins, True Detective, Creed) qui incarne le rôle avec une justesse étourdissante avec, à ses côtés, le gai tortionnaire sadique au jeu délectable qu’est Mr. Smoothie campé quant à lui par l’incroyable Patrick Fischler (Twin Peak: The Return, Once Upon a Time, Mulholland Drive). Côté larbin, le Vilain Père Noël restera gravé dans toutes les mémoires et déclenchera, j’en suis sûr, des crises de PTSD chez les spectateurs lors des prochaines fêtes. Tel le Pied Piper d’Hamelin, il attire à lui les enfants et les mène vers leur funeste destin, une pipe à crack aux lèvres. Véritable force de la nature mue par ses hallucinations, il est regrettable que les scénaristes aient chercher à lui établir une genèse. Tel le Michael Myers de Rob Zombie dans sa revisite de Halloween, le personnage en perd de sa substance et de son mystère. Les fans de l’oeuvre de Brian Taylor auront reconnu Joe Reitman (Crank: High Voltage) sous le costume de Père Noël. 

A mi-chemin entre Bad Santa et Qui veut la peau de Roger Rabbit?Happy! satisfait toutes nos attentes et apporte un vent de fraicheur viciée sur les éternels contes de Noël à la morale mièvre et indulgente. Le ressentiment du spectateur oscille entre la violence graphique réjouissante, entremêlée d’une certaine gracieuseté bubble-gum propre à Happy, et les horreurs rencontrées par notre duo. 

Outre la violence, la crudité de certaines scènes et les réactions parfois dérangeantes de certains personnages, Happy! est aussi une série très difficile à regarder pour son discours très cynique et désillusionné. Nick Sax est un personnage désabusé, sociopathe et névrosé qui contamine, en teinte de noir, quiconque croisera sa route. Heureusement, Happy sera là pour nous rappeler que le monde n’est ni blanc ni noir: il est composé de nuances de gris que les loupiotes des guirlandes teintent de vives couleurs.

Happy! a touché un nerf chez les spectateurs de la chaine et a bouleversé le paysage télévisuel grâce sa narration obsédante et au jeu fascinant de Christopher Meloni. Chris McCumber, Président du NBCUniversal Cable Entertainement a d’ailleurs annoncé qu’une seconde saison était déjà commandée. Ce dernier la présente d’ores et déjà comme étant plus démentielle que la première avec, à son bord, l’équipe qui en a fait le succès de Happy! : Grant Morrison, Brian Taylor et le cast principal.

Que souhaiter pour cette nouvelle saison ? Une histoire originale par l’irréductible Morrison, un cast renforcé par des personnages secondaires plus violents et dérangés, une poursuite de la critique sociale et le retour de Brian Taylor derrière la caméra. 

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