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LOST PROJECTS: Le “Justice League Mortal” de George Miller

L'histoire d'un film que vous ne verrez jamais

Imaginez. L’un des plus grands metteurs en scène de sa génération rencontre le projet d’adaptation le plus ambitieux de la décennie. Tambours, trompettes, éléments déchaînés, déflagrations visuelles, musique inoubliable, acteurs au taquet. Des millions de spectateurs se pressent dans les salles, les critiques s’agenouillent et c’est tout l’entertainment des années 2000 qui s’en retrouve changé. On exagère à peine. Ça aurait pu arriver. Pour cette sixième fournée, Lost Projects se penche sur le cas Justice League Mortal.

Nous sommes en 2007, il y a un peu plus de dix ans. L’ascension fulgurante du studio Weta Workshop, responsable des effets spéciaux révolutionnaires de la trilogie Le Seigneurs des Anneaux, donne des idées à Warner Bros Pictures. Après le semi-échec de Superman Returns amorti par l’excellent Batman Begins, les têtes pensantes du studio cherchent à passer la vitesse supérieure pour développer un univers cinématographique autour des personnages de l’écurie DC Comics. Conscients des envies de grandeur du concurrent Marvel, ils décident de mettre le paquet sur un projet monumental : Justice League.

Pour donner corps à la réunion des plus grands héros DC, Warner débauche un réalisateur maison, le grand George Miller (Mad Max, Happy Feet) et lui octroie une enveloppe surnaturelle de 250 millions $. Miller accepte de relever le défi à la condition sine qua non de faire table rase des films précédents. Exit donc Brandon Routh et Christian Bale et place à un univers tout neuf avec de nouvelles têtes. En février 2007, le script est lancé sous la plume de Michele et Kiernan Mulroney (Sherlock Holmes: A Game of Shadows). Craignant des remous suite à la grève de la Writers Guild of America qui éclate quelques mois plus tard, les producteurs s’empressent de le valider dès sa première version.

Baptisé Justice League : Mortal, l’histoire se présente comme une brillante synthèse des arcs narratifs les plus emblématiques vus dans les comics Justice League depuis le début du XXIème siècle. Inspiré en majeure partie de JLA : Tower of Babel (Waid/Porter) mais également de The OMAC Project (Rucka/Saiz) et Identity Crisis (Meltzer/Morales), le scénario regorge de références et d’easter eggs lié à l’univers DC. Disponible en open source depuis 2013, le script a fait saliver plus d’un fan et vaut bien évidemment le coup d’œil. L’histoire s’ouvre sur une mystérieuse séquence de funérailles destinée à installer et maintenir le suspense jusqu’à son épilogue. On découvre par la suite un monde en paix ou les héros sont déjà bien établis : Wonder Woman est la porte-parole des méta-humains aux Nations Unis, Bruce Wayne est rongé par la solitude et la paranoïa après avoir éradiqué la quasi-totalité de la criminalité à Gotham et Barry Allen coule des jours paisibles aux côtés d’Iris West.

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Ce prologue, sorte de version optimiste de Watchmen, était censé poser la tonalité globale du film et nous présenter les protagonistes principaux tout en évitant l’écueil de multiples origin stories.  En gros, il avait juste sur tous les tableaux. Une spectaculaire scène de sauvetage de Martian Manhunter  nous introduit ensuite au reste de la bande. On comprend  très vite que l’attaque était liée au piratage du satellite Brother Eye par le businessman Maxwell Lord et Talia Al Ghul.  S’ensuit la présentation et le développement du plan des bad guys : monter une armée de cyborgs grâce à la technologie de Wayne Enterprises (le projet OMAC) afin de créer un nouvel ordre mondial.  L’occasion parfaite pour tous les héros de s’unir face à une menace qui les dépasse tous individuellement. Après une poignée de scènes absolument épiques, comme l’affrontement de Superman (manipulé par OMAC)  avec Wonder Woman, le script s’achève sur la mort ultra émouvante de Flash, personnage le plus sympathique, qui cimente définitivement la Justice League.

Question, tout cela ne vous rappelle pas quelque-chose ? Une armée de cyborg créé à partir d’une technologie issue des dérives sécuritaire d’un justicier milliardaire et paranoiaque ? Un groupe de super-héros qui se lie pour affronter  une  menace robotique bigger than life ? Un personnage secondaire jeune et fringant (et ultra-rapide !) sacrifié pour le bien commun ? Coucou Avengers : L’ère d’Ultron, assieds-toi cinq minutes, il y a de la place.

Pour George Miller (comme pour Joss Whedon visiblement), le scenar tient la route et la production est lancée. Le casting prend vite corps et quelques mois plus tard le tournage peut commencer. L’idée centrale du père de Mad Max ? Miser sur un cast très jeune avec lequel il pourra pérenniser les différentes franchises sur les années à venir. Ainsi on retrouve, du côté de la JLA,  Adam Brody (The Flash), Armie Hammer (Batman), Common (Green Lantern), DJ Cotrona (Superman), Megan Gale (Wonder Woman), Hugh Keays-Byrne (Martian Manhunter) et Santiago Cabrera (Aquaman). Jay Baruchel  et Teresa Palmer sont destinés quant à eux à respectivement incarner Maxwell Lord et Talia al Ghul.

C’est peu dire que l’équipe a de la gueule. Mais comme dans tout projet trop beau pour être vrai , elle se heurte à une série de difficultés invraisemblables. Le grève des scénaristes tout d’abord, qui paralyse la production du film pendant presque 6 mois. Malgré l’attente interminable de capitaux, Weta workshop fait un travail colossal sur les costumes et les décors et permet à Miller d’avancer sur le projet. Le tournage est sur le point de démarrer en Australie quand tout se gâte sérieusement. La Australian Film Commission refuse de donner son aval car le film ne comprends aucun acteur natif du pays alors que c’est le cas pour la majeure partie de la prod.

Non vous ne rêvez pas, le Justice League de George Miller, peut-être le film de super-héros ultime,  n’a jamais pu voir le jour à cause d’une contrainte juridique du CNC australien ! Après une bataille longue et stérile par avocats interposés, les bureaux de production décident de migrer au Canada pour relancer la machine. Nous sommes fin 2008 et The Dark Knight vient de sortir sur les écrans.  Le succès du chef-d’œuvre de Christopher Nolan est colossal et enterre définitivement l’espoir de Miller d’imposer sa vision du chevalier noir et de ses compagnons d’armes.

Au vue de son travail sur le sublime Mad Max : Fury road, il y a fort à parier que le bonhomme aurait su insuffler quelque chose d’unique à l’univers DC, comme le confirmait Jay Baruchel dans une récente interview :

« Le film aurait été sombre, brutal, un peu gore et monstrueusement épique !  Il était construit sur des mécanismes de répétitions étranges et très peu conventionnels. Je sais que c’est difficile à croire mais je vous assure que cela aurait été quelque-chose d’absolument génial. »

Beau requiem donc pour ce Justice League Mortal qui avait toute les cartes en main pour enchanter les foules et avec lequel la domination de Marvel sur la décennie n’aurait probablement pas été la même.  Monde de merde.

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